Le comédien,
ancien pensionnaire de la Comédie Française, metteur en scène, directeur de
théâtre et formidable professeur est décédé, dans la nuit du 6 avril, à
Paris à l’âge de 85 ans, à l’hôpital Bichat. Le chêne a été emporté par le
Covid-19.
Pierre
Gaxotte (1895-1982), journaliste et historien, membre de l’Académie Française,
a résumé le comédien en une courte phrase : Jean-Laurent Cochet est le
Maître le plus érudit de notre répertoire dramatique et lyrique. Il ajoutait : la mémoire théâtrale
de ces quarante dernières années, et il réussit ce miracle d’en transmettre à
lui seul l’essentiel.
Il
lui a parfois été reproché de trop regarder le passé dans son enseignement,
alors que comme tous les grands artistes, il y plongeait ses racines et son
inspiration, pour nourrir le présent et être en avance sur le futur.
Souvent,
je l’ai entendu répéter cette question, lorsqu’il commentait une scène qui
venait d’être travaillée devant lui : « pourquoi suis-je là ? ».
C’est selon lui la question centrale que doit se poser tout comédien, pour
éviter que le spectateur ne se la pose. Le sens, l’inflexion, l’intention et la
réaccentuation permettent ensuite au comédien de s’effacer et de servir « le »
texte de l’auteur avec son corps, son âme et son cœur.
Pourquoi suis-je là ? N’est-ce pas la seule question que tout homme et
toute femme devrait se poser régulièrement ?
Il a
connu tous les géants du théâtre, a mis en scène tous les grands noms et formé
plusieurs générations de comédiens et de comédiennes qui ont façonné le théâtre
et le cinéma jusqu’à aujourd’hui. La liste est époustouflante : Daniel Auteuil,
Emmanuelle Béart, Richard Béry, Gérard Depardieu,
André Dussolier, Juliette Duval, Andrea Ferreol, Bernard Giraudeau, Isabelle Huppert, Claude Jade, Fabrice Luchini, Jacques
Mougenot, plus récemment Maxime d’Aboville, etc…
Il
ouvre officiellement son cours d’art dramatique en 1964 parce que le théâtre est un métier qui s’apprend et se travaille.
Imagine-t-on un pianiste qui ne travaille
pas ses gammes ? Pour nous, c’est pareil. Il pouvait s’arrêter une demi-heure
sur une finale mal placée.
Jean-Laurent
Cochet fait partie de ces rencontres qui marquent une vie, vous confortent dans
vos choix (ou vous bousculent), vous donnent une ligne de conduite. Je pensais
souvent à lui en écoutant, sur Twitter ou Instagram, Fabrice Lucchini lire, depuis
que nous sommes confinés, les fables de La Fontaine. C’est un des moments de joie de ce confinement
qu’il a la gentillesse de nous offrir.
Jean-Laurent
Cochet a été un parfait Impossible Monsieur
Degas, produit par Igor Barrère et réalisé par Syvie Ros, dont j’ai écrit
le texte et un merveilleux Corot dans la pièce de Jacques Mougenot. Ce dernier
est à présent le seul avec Lucchini à être capable de lire une fable comme La
Fontaine les a écrites.
Jean-Laurent
Cochet doit en avoir des choses à dire à René Simon, « la grande » Dussane,
Louis Jouvet ou Madame Simone qu’il évoquait souvent. La fin est dans le commencement répétait-il régulièrement durant ses
cours ; heureusement, certains ont été filmés pour que cela ne s’arrête
jamais. Merci.
Pour approfondir
Jean-Laurent
Cochet, Mon rêve avait raison, Paris,
Pygmalion, 1998.
Jean-Laurent
Cochet, Faisons encore un rêve,
Paris, Pygmalion, 2004.
Le cours Cochet, devenir comédien, coffret de 10 DVD enregistré au Théâtre Daunou
en 2001 et produit par Canal 33.
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