Comme toujours ai-je envie de dire, comme souvent sans avoir l’air d’y toucher, peut-être un peu involontairement cette fois.
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Curieux microcosme bruxellois qui tombe à bras raccourcis sur Le Chat, alors que les sujets ne manquent pas, et pour certains, attendent un véritable engagement politique depuis au moins vingt ans.
Je ne citerais que les plus criants : survie du Musée de la Bande dessinée de Bruxelles, désengagement du Fédéral de la gestion des musées fédéraux (ESF) depuis deux décennies (ils sont aujourd’hui au bord du gouffre) ; scandale des directeurs généraux des ESF nommés ad interim (sauf un) depuis plus de 15 ans[1] ; absence de politique muséale bruxelloise, au sens le plus large, fermeture sine die du Musée d'Art Moderne depuis 10 ans* et « syndrome du grand frère » pour le projet Kanal. Certes, il faut à présent que ce projet aboutisse, c’est une évidence. Mais pourquoi a-t-il été pensé dès l’origine comme si la Belgique n’avait pas, « en interne » les compétences pour concevoir et monter un projet d’envergure et original ? (on peut vous donner des noms en respectant la parité linguistique et de genre).
Bref, les sujets ne manquent pas (la liste n’est pas exhaustive) et c’est sur le Chat et Philippe Geluck que l’on tire à boulets incendiaires. Un projet pourtant connu officiellement depuis 2018…
Le neuvième art
Le Chat nous, me fait rire, réfléchir ou sourire depuis bientôt 40 ans. Sa stature internationale est indiscutable, sa notoriété égale celle de Tintin, Gaston, Astérix et bien d’autres stars de papier.
Dans le Panthéon belge de la BD, il siège, outre les deux noms déjà cités, aux côtés de Natacha, les Schtroumpfs, Les Tuniques Bleues, Yoko Tsuno, Néron et Bob et Bobette, etc. Le Chat est indiscutablement un membre éminent à part entière du neuvième art et donc digne d’un musée, comme bien d’autres de ses collègues. Il faut en effet réaffirmer avec force que la Bande dessinée est un art. Un art vivant, comme tel susceptible de trôner dans nos bibliothèques, d’entrer dans un musée, d’être l’objet de commerce, sujet de recherche ou consacré par un musée dédié.
« Le Monde d’après ? »
Aucune des récentes réactions très vives suscitées par ce projet n’annonce ce « monde d’après », même a minima. Pourtant, il est espéré par tous depuis mars 2020 et dans tous les domaines, sans que nous puissions en deviner l’ombre de son ombre, nulle part.
Dans une affligeante tradition « monde d’avant », peut-être même « monde ancien », nous avons pu tout entendre et tout lire à propos du musée consacré au Chat et au dessin d’humour de Phillipe Geluck : énormités (non contredites), attaques ad hominem, manque de recul, opposition public/privé, etc… jusqu’à la proposition de contre-projets. Cela n’est pas sans interroger dans un pays, une région et une ville qui n’investit plus depuis longtemps dans ses musées pourtant reconnus internationalement. Je reste même confondu, si l’on se souvient que le Musée de la Bande dessinée a annoncé en avril le licenciement d’un tiers de son personnel.
Autour de la table
Pourtant, ce projet de musée né « avant », et cette polémique, me paraissent être exactement l’occasion rêvée pour se projeter dans ce fameux monde tellement espéré que je n’ose plus le nommer.
Nous savons tous qu’un musée n’est pas composé uniquement d’art, de sciences, de racines, de rêve, de vie, d’études, d’éducation et de délectation. Il faut aussi composer avec le monde politique qui, nouveauté timide, semble doucement comprendre la nature profonde d’un musée et sa capacité indirecte à générer des revenus dans le circuit économique.
C’est le moment rêvé de véritablement penser la politique muséale bruxelloise aux répercussions culturelles et économiques régionales, nationales et internationales bien quantifiables depuis une dizaine d’années.
Le plus compliqué sera certainement de traverser le labyrinthe du mille feuilles politico-administratif. Le plus simple est de se mettre autour d’une table sans s’invectiver ou se dénigrer. Tout est dit, ce n’est pas en passant tout et tous par la fenêtre que nous penserons d’une façon nouvelle, à l’aune de ce que nous avons tous et toutes vécu depuis des mois.
Le privé n’est pas diabolique
Il me semble qu’il faut également comprendre que le « privé » n’est pas synonyme de perte du sens profond d’un musée, du service public, du service au public. De grands collectionneurs sont à l’origine de merveilleuses donations dans tous les pays du monde. Ils ont presque disparu aujourd’hui. En outre, la puissance publique, sous toutes ses formes, considère qu’elle n’a plus les moyens de consacrer les budgets nécessaires à l’Art, à la Culture en général et aux Musées en particulier. Nous savons tous que cette erreur ne sera pas corrigée de sitôt. Dès lors, pourquoi ne pas accueillir les entreprises, les amateurs d’art, le public et les quelques artistes prêts à apporter leur concours ? Des dizaines de musées de grande qualité fonctionnent sur ce modèle dans le monde, ou sont même exclusivement financés par le secteur privé.
Mettre tout le monde autour d’une table n’est pas impossible et sera surtout très fructueux.
Le Chat est essentiel et courtisé
Le Mont des Arts est probablement l’endroit idéal pour bâtir ce projet et réfléchir en mode « monde d’après » à l’avenir des musées bruxellois. Ce sera d’autant moins compliqué que le Musée du Chat ne se limite pas au sympathique félin, mais englobe presque toutes les composantes réclamées depuis quelques semaines par les différents contradicteurs.
Soyons cependant prudents et conservons à l’esprit que la notoriété du Chat est suffisante pour qu’il soit invité à s’installer dans une grande ville étrangère.
Ne rejouons pas le drame Mudra en un acte stupide qui a conduit Maurice Béjart à s’établir sur les bords d’un lac. Souvenons-nous aussi du récent projet de François Pinault pour l’Île de la Jatte. Il a fini par l’abandonner devant les « lenteurs » diverses et a créé des musées à Venise et Paris.
Conservons le Chat à Bruxelles, il y a de la place pour lui, pour tous. Voyons-le comme un atout de choix pour contribuer à la redynamisation d’un secteur qui a fortement souffert des conséquences de la pandémie et de l’absence de considération politique depuis plus de 20 ans.
Nous pouvons tirer immédiatement au moins un enseignement de tout ce « brol » : Le Chat est aussi essentiel que les Musées, la Culture et chacun de nous.
[1] Le dernier exemple en date est Guido Gryseels, excellent directeur de l’Africa Museum à Tervuren. Il n’a pas été remplacé, mais prolongé a. i. pour un an. En Belgique on sait que remettre à plus tard ce qui devrait être fait dans l’instant équivaut à paralyser le dossier au minimum 10 ans, à le politiser tout en le nappant de sauce linguistique, là où seule la compétence devrait compter.
* malencontreux oubli, ajouté de 25/06/2021.
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