Le Cinquantenaire, l'IRPA et les Beaux-Arts marchent sur la tête (gw) |
Philippe
Mettens, président de la Politique Scientifique Fédérale belge vient de faire
connaître à la presse une nouvelle note de synthèse sensée débloquer l’épineux dossier
de la répartition des dix établissements scientifiques fédéraux (ESF) dans des « pôles »
(expressions administrative très à la mode) thématiques. Loin de satisfaire les
intéressés, ce projet des pôles concentrent inquiétude et rejet, fondés, ainsi
que je l’ai déjà souvent écris. Cette note doit encore être présentée au
Ministre afin qu’il défende l’avenir des ESF devant le Gouvernement.
Que dire qui
n’aurait déjà été dit sur le sujet ?
Que les deux protagonistes essentiels de cette note ne connaissent rien
au monde des musées tel qu’il est envisagé partout dans le monde (ni aux autres
institutions scientifiques). C’est un fait avéré, démontré et souligné de
nombreuses fois par divers observateurs. On pourrait ainsi multiplier les
exemples. Je crois qu’une fois de plus il faut reprendre son clavier de pèlerin
et essayer à nouveau d’être le plus pédagogique possible en reprenant un à un
les arguments développés dans un article de La Libre Belgique paru ce 6 février :
La note qui propose le Big Bang des
Musées (merveilleux exemple de la littérature hagiographique sans aucun
esprit critique).
Il faut tout
d’abord rappeler que le « Big Bang » est une belle expression
médiatique, dont le sens à l’origine n’était pas réellement précis, et qui est aujourd’hui
absolument creux. Je me permets de renvoyer le lecteur à mon article : Le Big patinage des musées. Prise deconscience ou communautarisation ?
L’objectif
affiché par cette nouvelle note est de « faire mieux collaborer
entre eux les musées et institutions scientifiques, de décloisonner les
patrimoines, de créer des synergies ». Il n’est utile pour cela de créer
une formidable usine à gaz. Il y a longtemps que les musées du monde, petits ou
grands, collaborent entre eux. « Décloisonner les patrimoines » sonne
joliment, comme son cousin le « geste architectural », mais ne veut
absolument rien dire. Le Cinquantenaire et les Beaux-Arts ont (avaient) une
image bien identifiée et leur coexistence n’est pas synonyme de cloisons
étanches. La collaboration a pu connaître dans le passé des difficultés, mais
les temps ont changé, les générations de conservateurs également. Il faut le
prendre en compte.
La solution est simple, trop probablement, malheureusement sans incidence positive sur les egos que
l’on sent très forts. Il suffit pour ces institutions de trouver les synergies,
les collaborations possibles et de mutualiser certaines fonctions dites de
support, le tout en maintenant l’autonomie des chacun des musées. Dans la
nouvelle sémantique adoptée par cette note, il est à craindre que
« décloisonner les patrimoines et éventuellement les répartir
autrement » ne signifie rien d’autre que la poursuite du démantèlement en
cours. Il est significatif que rien ne semble être dit sur les projets en cours,
ni sur la définition même de ce que doit être un musée.
On se prend à rêver en lisant que soixante groupes de travail ont été créés
pour réfléchir à la question. Quel merveilleux art de noyer le poisson dans une
nouvelle note qui se veut faussement plus rassurante. La fusion ne concernerait
plus que le Cinquantenaire et les Beaux-Arts. Le directeur ad interim du premier a convaincu d’autant plus facilement son
collègue du second, qu’il s’agit, rappelons-le, de la même personne depuis
trois ans…
Que penser dans cette optique d’un nouvel appel à candidature qui serait
lancé par le Selor pour la direction du Pôle Art ? La mascarade du
précédent appel est encore dans tous les esprits. Pensons également au nom qui
circulait un an et demi avant le départ à la retraite d’Eliane De Wilde,
précédente Conservatrice en Chef des Beaux-Arts : il était déjà le même
qu’aujourd’hui. Je ne vois pas qui présenterait sa candidature dans des
conditions pareilles (surtout lorsque l’on connaît la nature des épreuves
auxquelles les candidats doivent se soumettre).
Pour terminer, je laisse le soin aux spécialistes des autres institutions
de formuler un avis sur la fin de cet article, tant cela me paraît aussi peu
réaliste (pôles, « structure collaborative »,
« consortium ») qu’en ce qui concerne les musées. Seul l’Institut
Royal du Patrimoine Artistique semble, pour l’instant, tirer son épingle du
jeu.
Les propos conclusifs de P. Mettens, sensés être rassurants, m’étonnent encore
davantage : « On est parti cette fois des institutions elles-mêmes ».
L’ensemble de cette note, telle qu’elle est décrite dans cet article, montre
clairement une méconnaissance des fonctionnements muséaux. Mais plus inquiétant
encore à mon avis est la question suivante, qui vient immédiatement à
l’esprit : à partir de quoi ont donc été produits le précédent contrat
d’administration et le projet des pôles, voire ce bon vieux livre blanc resté
lettre morte ? Le masque est involontairement tombé.
On voudrait totalement déstructurer les dix établissements scientifiques
fédéraux que l’on n’agirait pas autrement. Il faut avoir une pensée pour le
personnel de ces institutions que l’on ballote depuis des années. Comment
travailler dans de telles conditions ? Qui plus est dans un climat
autoritaire, rappelons-le.
Non, décidément cette note ne rassure personne et ne présage rien de bon au
regard d’un Ministre qui n’a pas eu le courage de prendre la décision qui
s’imposait en décembre, d’un Gouvernement dont on ne voit pas qu'il comprenne réellement
les enjeux, et des médias laudatifs presque à l’unisson, faute d’une
connaissance de ce qu’est réellement un musée aujourd’hui.
Note d’avenir des musées ou acte de décès ?
Musées fédéraux : que faire ? Réponse à une question de lectrice.
A lire prochainement sur ce blog :
Les pôles prennent l’eau. Les musées coulent.
Musées Royaux bruxellois : une gestion en questions.
Musée fin de siècle ou Musée fin des Musées ?Musées fédéraux : que faire ? Réponse à une question de lectrice.
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