Encore un projet de plus à ajouter à une longue série, tous non financés, démontrant une absence totale de vision à long terme.
Ce n’est pas un musée mobile qu’il faut, mais trois musées ouverts et, entre autres, un programme actif développé à l’attention des publics éloignés soit par la distance, soit par le manque d’information ou la crainte que peut inspirer un musée. Par ailleurs, les collections des musées sont limitées et non reproductibles. Que montrera-t-on dans les musées bruxellois lorsque que les chefs-d’œuvre se baladeront dans ce musée mobile ? N’est pas le Guggenheim, le Louvre ou le Musée Pompidou qui veut.
Il faut constater une contradiction de plus, et non des moindres dans cette même interview, parue récemment dans La Libre Belgique. Les ministres précédents avaient affirmé que la réouverture du Musée d’Art Moderne était une priorité. Or l’actuel responsable affirme qu’il va demander à son collègue de la Régie des Bâtiments de mettre «ce dossier en priorité». Où se situe la vérité sur cette question et de façon plus générale sur tout le dossier ? Quelle est la stratégie réelle pour les musées royaux et l'IRPA ? Nous ne la voyons pas.
On comprend également que le projet absurde de déplacement du Musée des Instruments de Musique prend corps dans les esprits administratifs et politiques. Absurde parce que son installation a coûté une fortune, qu’il faudra à nouveau dépenser. Absurde par ce que ce musée est parfaitement à sa place dans ce lieu. Absurde parce qu’il a trouvé son public, que le lieu et le musée sont parfaitement associés dans l’esprit des visiteurs belges et étrangers. Absurde, parce qu’il faudra à nouveau dépenser des sommes énormes, que l’on peine à trouver pour l’essentiel, simplement pour communiquer sur le changement de lieu et ne pas perdre des entrées. Tout cela pour installer ce beau musée dans un lieu moins bien adapté.
On comprend aussi à la lecture de cette interview que le nouveau Musée d’Art Contemporain est définitivement enterré. Le Ministre dit clairement dans cet article : « Pour l’art moderne et contemporain, on pense à un nouveau musée, un geste architectural. Et c’est bien d’avoir de l’ambition mais c’est pour dans dix ou quinze ans, en espérant qu’on aura alors des finances publiques meilleures pour financer le projet ». On ne peut être plus clair et direct. Renvoyer un projet à dix ou quinze ans, en le conditionnant à des finances «meilleures», que se soit en Belgique ou ailleurs, ne laisse aucun espoir… Une fois encore ces propos, pourtant très clairs, n’ont suscités aucun remous, aucun commentaire.
En outre, on confond à nouveau architecture muséographique innovante et «geste architectural» (expression très branchée, qui ne veut objectivement rien dire), dans la crainte habituelle de rater le dernier train du modernisme, en oubliant naturellement que le recours à des architectes de renom international coûte une somme rondelette.
La fermeture de ce musée était bel et bien une grave erreur de gestion. On ne ferme pas un musée, sans s'être donné les moyens d'une réouverture programmée, dans des délais raisonnables dans un autre lieu. Agir autrement, c'est se condamner à le laisser en caisse pour de longues années. C’est la base même du métier.
Ce n’est pas « le changement qui fait peur », contrairement à ce que pense le Ministre, mais l’absence de compréhension de ce qui fait l’essence même d’un musée, l’absence totale de vision stratégique, la profusion des projets tous plus hasardeux les uns que les autres et non financés. D’autant plus que nous constatons depuis presque 15 ans une incapacité totale à gérer, développer et financer trois musées et l’Institut Royal du Patrimoine Artistique. Ce centre de recherche ne doit sa réputation internationale qu’à la qualité de sa direction et de son personnel. Combien de temps pourront-ils tenir ?
Cette interview du Ministre Courard confirme les craintes de tous les observateurs : il n’existe aucune vision à long terme, aucun véritable projet muséologique. La direction et sa tutelle avancent au coup par coup et nous sommes à présent en droit de douter de leur véritable volonté. Autrement dit, rien de muséologiquement sensé n’est prévu avant des années, sauf le démantèlement en cours et l’ouverture d’un MuseoLand et de ses succursales.
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