samedi 1 février 2020

Une belle après-midi à la BRAFA à Bruxelles


La grande clairière de l’entrée, fleurie par Thierry Boutemy.

Vous pouvez même y passer une journée toute entière, tant ce genre d’exposition d’œuvres d’art est aujourd’hui conçu comme un moment de vie et non plus seulement comme une réunion mondaine autour d’œuvres que l’on regarde d’un œil distrait par la perspective de quelques bulles.
Les visiteurs ont aussi changé en vingt ans. Fini les looks exclusivement branchés croisant quelques mondains en représentation, fuits par de vrais amateurs effarés, attristés ou indifférents. Les œuvres sont moins seules, le public représente un échantillon beaucoup plus large de la population. Dernière bonne nouvelle, j’ai croisé un nombre impressionnant de fauteuils roulants.


Une des allées traversant les 3 Halls.

Cette nouvelle façon de réunir le public autour d’œuvres en vente, commune à bien des foires, est perceptible dès l’entrée. On passe du contrôle d’aéroport à une grande clairière riante, lumineuse et colorée autour de laquelle sont distribuées les galeries comme autant de petites percées lumineuses. Le reste des « halls » est conçu sur le même modèle. On se promène dans un espace difficilement perceptible, à la façon des villes anciennes, où sont ménagés des lieux de repos, de conférences, de restauration, dont la présence se découvre presque par surprise. Très agréable. D’autant plus que les pieds fatigués peuvent s’asseoir partout et l’esprit vagabonder ou se délecter.

La plupart des galeries ont elles aussi changé. L’austérité luxueuse cède souvent la place à un espace qui donne d’abord envie d’entrer et d’y passer quelques minutes. La mise en scène a fait également son apparition, dans sa meilleure expression. On se demande parfois si c’est l’œuvre ou le visiteur qui est au centre de l’attention.

Une halte fleurie par Thierry Boutemy.

60 à 65 000 visiteurs
Un bel exploit vaut la peine d’être souligné : la BRAFA, qui fête cette année ses 65 ans, est comparable à la Biennale de Paris en nombre de visiteurs. Elle reçoit entre 60 et 65 000 visiteurs en 2019, selon Forbes, contre 38 700 pour la Biennale de Paris (8 jours d’ouverture dans le premier cas et 5 dans le second). Rien n’empêche de penser que la performance est supérieure si l’on se réfère à la taille des deux villes.
C’est, dans les deux hypothèses, le signe d’un très haut niveau de qualité. Un cru moins convaincant selon Armelle Malvoisin (Le Quotidien de l’Art). Pour ma part, aucun véritable coup de cœur, même si j’ai vu de très belles pièces qui valent toutes le déplacement dans la vingtaine de spécialités présentes : archéologie classique, argenterie, arts graphiques, art tribal, art précolombien, arts asiatiques, bande dessinée, céramique, joaillerie, livres, mobilier, numismatique, objets d’art de toutes époques, peinture ancienne et moderne, photographie, porcelaine, tapis, sculpture, verrerie contemporaine. Les œuvres à ne pas rater ont fait l’objet d’un bon article dans La Tribune de l’Art.
Un regret : force est de constater une nette baisse de la présence de l’art ancien et une montée de l’art contemporain. Certes, sont présents quelques beaux noms, sans aucune réelle originalité en ce domaine. Ce n’est pas un travers propre à la BRAFA. Cette pénurie est constante dans toutes les foires.

Suivez la ligne rouge jusqu’où vous voulez.

Ce n’est pas que de vernis
Une question de fond, qui ne concerne pas uniquement la BRAFA, mais une partie du marché de l’art et qui choque l’historien de l’art que je suis : quand cessera-t-on de vendre des tableaux anciens brillants comme un sou neuf, au vernis si transparent qu’il semble avoir été posé sur une œuvre réalisée la semaine dernière ? Un public existe vraiment pour ce genre de massacre ? Comment trouve-t-on encore des restaurateurs qui n’ont jamais entendu parler de déontologie ? Je ne demande pas d’avoir lu tout Cesare Brandi et l’excellent Paul Philippot, mais simplement la Charte de Venise, voire un tout petit cours de déontologie. Pour mémoire : une restauration très réussie est toujours minimale, voire minimaliste. Nous partageons un devoir commun historien de l’art, conservateur, marché de l’art et restaurateur : transmettre, ou vendre, les œuvres qui passent entre nos mains à la génération suivante avec la même attention pour sa préservation et sa connaissance. Il nous revient de faire sans se lasser de la pédagogie et non de contribuer à la dégradation d’œuvres d’art. C’est fondamental.


Les éléments du mur de Berlin mis en vente aux enchères au profit de cinq organisations,
dont le Musée du Cinquantenaire de Bruxelles.


La dictature aux pieds de béton finit aux enchères caritatives.

Saisies conservatoires et risques
Evidemment, on ne peut manquer de s’interroger sur les modalités et les raisons qui ont conduit à la saisie d’une trentaine d’objets, lors d’un contrôle de routine conjoint de la Direction générale de l’Inspection économique, des Douanes et d’Interpol. Le « Vetting » rigoureux mis en place par la BRAFA semble avoir porté ses fruits puisque ces objets ont été saisis dans les réserves et n’étaient donc pas proposés à la vente.  Il s’agit d’une saisie conservatoire, qui concerne quatre marchands d’arts premiers et d’archéologie. Aucune pièce n’a été saisie sur la foire. Celles concernées se trouvaient dans les réserves de la Brafa, car le vetting avait considéré qu’on manquait d’informations sur elles selon Harold t’Kint de Rodenbeek, président de la BRAFA, dans une déclaration faite à The Art Newspaper.
Il est évident qu’il faut être extrêmement sourcilleux sur la qualité des œuvres, pas uniquement dans ce genre de manifestation, combattre sans relâche les trafics en tous genres et la falsification. Mais il faut aussi veiller à ne pas faire fuir les galeries, soucieuses de leur réputation. Le marché de l’art de haut niveau, et de qualité, ne s’embarrasse d’aucune frontière. C’est une réalité qu’on le veuille ou non.

Il y a longtemps que je n’avais pas été à la BRAFA, j’y retournerai. Vous aussi je l’espère. 



Le Chat de Philippe Geluck est aussi présent à la BRAFA.


En savoir plus

Pour suivre les enchères.

Les œuvres à ne pas rater selon La Tribune del’Art (Bénédicte Bonnet Saint-Georges).

Armelle Malvoisin dans Le Quotidien de l’Art.

Les Echos à propos de la saisie conservatoire.




Thierry Boutemy
375, rue Vanderkindere
1180 Bruxelles
02 649 39 49

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